LA BANNIÈRE DE CARILLON

La bannière de Carillon est une insigne relique vexillologique du 18e siècle. Longtemps l’on a prétendu qu’elle avait vu le feu de la victoire des troupes de Montcalm à Fort Carillon en juillet 1758, et il a été dit que le triste état dans lequel elle se trouvait déjà, lors de sa réémergence miraculeuse au 19e siècle, était le fait de coups de sabres et des traces des balles anglaises.

De dimensions gigantesques ( 213 cm sur 307 cm), décorées de motifs qui n’ont de sens que lorsque vus à la verticale, le vénérable objet ne peut avoir été un « drapeau » régimentaire français. Avec, en face, une représentation de la Vierge à l’Enfant, la bannière de Carillon s’est avérée avoir principalement été une bannière processionnelle religieuse. Il est aussi possible de reconnaître que sa conception a précédé l’époque de la Guerre de Conquête puisque sous Notre Dame figurent des armoiries appartenant au Marquis de Beauharnois, Gouverneur de la Nouvelle-France entre 1726 et 1746. En seconde face, au cœur de la composition iconographique, se trouvent les armes royales de France, avec l’écu d’azur aux trois lys d’or, 2 et 1, couronné et entouré de palmes dorées, ce qui confirme tout au moins, avec la présence des armes du Gouverneur de la colonie, le statu « officiel » de la bannière.

Certains ont donc conclu que l’histoire liant la relique à la victoire de Montcalm n’était que pure fantaisie. Si la vocation de drapeau militaire peut être écartée d’entrée de jeu, il est du moins imprudent d’exclure la possibilité de la présence de la bannière dans les bagages du général français ou de ses miliciens canadiens. Les rares historiens qui ont abordé la question l’ont traitée avec une certaine légèreté, se contentant de souligner la nature d’abord religieuse de l’objet. Le travail reste donc à faire afin de tenter d’établir si la légende est fondée ou non.

Ce qui est certain, d’autre part, c’est que la couleur bleutée qu’on lui prête et les quatre lys pâles qu’elle porte sur ses deux faces, ont joué un rôle crucial dans l’élaboration de nos drapeaux nationaux. Le drapeau bleu traversé d’une croix blanche, portant quatres lys incliné en cantons, a été baptisé “drapeau de Carillon” par son créateur, l’Abbé Elphège Filiatrault. La version adoptée par la Société Saint Jean Baptiste comme drapeau national des Canadiens-français, avec le Sacré Coeur en son centre, a aussi conservé cette appellatione (“Carillon Sacré Coeur”). Finalement, le 21 janvier 1948, c’est une ultime variante de ces drapeaux qui devint le drapeau officiel de la Province de Québec, le fleurdelisé.

Quoi qu’il en soit, la bannière de Carillon n’a pas révélé tous ses secrets, bien qu’elle fut soumise à un impressionnant travail de restauration dans les années 90, manœuvre qui l’a vue être détissée et réassemblée, rien de moins!

PROJET DE RECONSTITUTION

L’ensemble de ces questions nous a amené à entreprendre l’ambitieux projet de recréer, de la façon la plus réaliste possible, la bannière de Carillon. Ce qui devait au départ n’être qu’un exercice artistique s’est vite transformé en enquête historique.
Des centaines d’heures ont été mises à patiemment reconstituer chacun des motifs pour lesquels nous disposions de quelques descriptions (dont celles d’Ernest Gagnon) et d’un ensemble de photographies en haute résolutions (Musée de l’Amérique Francophone). Le travail a donc d’abord consisté à « calquer » lesdites images dont il ne reste que de vagues contours, afin d’en reproduire les dispositions et les proportions exactes.

Il aura fallu nous lancer dans une vaste recherche iconographique afin de ne pas sombrer dans l’anachronisme, particulièrement en ce qui concerne l’image de la Sainte Vierge. À ce sujet, les traces de peintures subsistant sur l’originale ont confirmé que « Notre Dame de Carillon » ne portait pas le voile blanc dont l’ont affublée les quelques artistes qui ont sommairement représenté la bannière au cours du 20e siècle. Ses cheveux bruns sont donc seulement coiffés par une couronne dont nous n’avons malheureusement aucune trace digne de ce nom.

Les lys de l’écu de France n’avaient non plus aucune raison logique d’avoir un style différent de ceux des cantons. Or nous avons la chance d’avoir au moins l’un des quatre lys intact sur la bannière, et ils ont donc guidé nos choix artistiques.

DE LA RECHERCHE À LA RECONSTITUTION… À LA RECHERCHE

Ainsi donc, alors que notre but initial était de reproduire et lancer une version à l’échelle de la bannière de Carillon, nous avons été entraînés sur une pente glissante qui nous a obligé à considérer la production d’un livre consacrée à une étude sérieuse de l’objet lui-même.

Même si nous disposons certes de la formation et des connaissances nécessaires pour entreprendre un tel travail, celui-ci dépasse de loin l’énoncé de mission orignal de Ludovidec. Qui plus est, l’aventure elle-même nécessite des ressources financières dont nous ne disposions pas en nous lançant dans ce qui ne devait être qu’une reconstruction.

Afin de pouvoir mener à bien ce défi – car c’est là le mot juste - nous avons été d’abord contraints de revoir notre échéancier : impossible de mettre en marché une reproduction avant qu’elle n’ait été pleinement justifiée par de solides preuves, au-delà de tous doutes raisonnables.

Il nous a ensuite fallu prévoir une façon de financer le projet d’opuscule lui-même sans compromettre les autres projets de Ludovidec. Si évidemment une telle rédaction demande du temps et de l’énergie, elle demande surtout certains investissements qui ne peuvent se financer à même nos ventes : frais d’impression, bien sûr, mais droits de reproduction photographiques pour certaines images de la bannière originale etc.

Nous avons donc décidé d’en faire l’annonce afin de rejoindre ceux qui manifestent un intérêt pour ce genre d’entreprise. Ne serait-ce qu’en matière de support moral, le contact avec les gens intéressés par un tel projet ne peut que nous être bénéfique. L’idée de trouver un ou des mécènes principaux est aussi librement suggérée mais elle n’est pas l’objet principal et intrinsèque de cette démarche : sans manquer de foi, nous sommes assez lucide pour la savoir hasardeuse!

Néanmoins, nous avons pensé lancer une campagne de financement « indirect » par le biais de la vente d’une affiche de « Notre Dame de Carillon ». Cette image est celle de la Sainte Vierge qui fait partie de la composition de notre reproduction de la bannière : elle correspond aux descriptions de Gagnon et aux proportions (tracé) qui se trouvent sur la relique elle-même.


Notre Dame de Carillon - Ludovidec
Cette image évoque aussi le miracle de la bataille de Carillon alors que les Français, bien que lourdement inférieurs en nombre, ont remporté une brillante victoire sur leurs adversaires Anglais. Certains combattants ont affirmé avoir vu la Vierge apparaître sur le champ de bataille et arrêter les balles anglaises de son manteau. Légendaire ou non, ce récit lie la bataille à l’iconographie de la bannière, et nous avons crû qu’il s’agissait là d’un choix plus qu’approprié.

Cette œuvre originale, fruit de plusieurs centaines d’heure de labeur, a été superposée à un semi de lys en trame de fond, pour le besoin de l’affiche.

L’ensemble des fonds recueillis par l’entremise de la vente de cette image - ou les dons faits directement à cet effet - servira au financement du livre et du drapeau de luxe (double face/3 plis) à l’échelle ½, qui seront mis en vente dès que la rédaction sera complétée!